L'édito : Alexandra Eala, du rêve au cauchemar


Première joueuse des Philippines à remporter un tournoi du Grand Chelem Junior lors de l'US Open 2022, Alexandra Eala éprouve depuis toutes les peines du monde à accomplir sa transition vers le circuit professionnel en étant incapable d'aligner deux victoires de suite. À dix-huit ans, elle semble déjà condamnée à l'anonymat des divisions inférieures à moins qu'un improbable déclic finisse par se produire.

Les résultats d'Alexandra Eala sur le circuit Juniors laissaient présager du meilleur pour la suite. Avec deux tournois de Grade A (aujourd'hui J500) remportés à Cape Town et Milan, respectivement en 2019 et 2021, puis le triomphe total à l'US Open 2022 où elle dominait sans perdre un set des joueuses comme Nina Vargova, Taylah Preston ou Mirra Andreeva, avant de faire subir sa loi à Lucie Havlickova en finale, tous les compteurs étaient au vert pour que l'adolescente fasse une entrée remarquée dans le monde du professionnalisme. 2023 allait dans un premier temps lui donner raison grâce à deux succès acquis sur le circuit ITF en W25 à Yecla et Roehampton. Mais, à ce jour, c'est bien là tout ce qu'il y a retenir. Titulaire d'une invitation pour le tableau des qualifications du tournoi WTA 1000 de Miami, en 2021, pour ces grands débuts sur le circuit principal, un an avant sa victoire à l'US Open, elle trébuchait dès le premier tour, prologue des nombreuses déconvenues qu'elle allait connaître par la suite. Les choses sont d'ailleurs on ne peut plus simples à résumer. La jeune philippine de dix-huit ans a participé à neuf tableaux principaux dans des tournois WTA à ce jour. À part au WTA 250 de Cluj-Napoca en 2021, où elle était parvenue au deuxième tour, elle a été battue à chaque fois au premier tour lors de ses huit derniers tournois, sa défaite la plus récente ayant eu lieu à Abu Dhabi (WTA 500) où elle n'a pas fait le poids contre une Magda Linette pourtant en panne de confiance. Tout aussi inquiétant, à chaque fois qu'elle est entrée dans un tournoi WTA en étant wildcard, elle a toujours perdu au premier tour, sauf à Cluj. Et le moins qu'on puisse dire est qu'Eala ne fait pas les choses à moitié quand elle perd. À Miami, en 2022, l'américaine Madison Brengle lui avait infligé en cuisant 6-2 6-1. L'année suivante à Hua Hin (WTA 250), elle prenait un 6-2 6-2 contre Tatjana Maria puis, un 6-1 6-1 contre la même joueuse à Madrid. Toujours en 2023, à Osaka (WTA 250), elle ne voyait pas le jour contre la japonaise Himeno Sakatsume (6-0 6-3) et encore moins contre sa bête noire Tatjana Maria à Guangzhou (WTA 250) où elle encaissait un terrible 6-3 6-0. La belge Elise Mertens allait ensuite lui offrir un beignet supplémentaire au WTA 250 de Monastir (7-5 6-0).

Passée de numéro deux mondiale Junior à l'une des plus mauvaises joueuses de la jeune génération sur le circuit WTA, Alexandra Eala semble avoir trouvé un refuge salvateur sur le circuit ITF. Elle y brillait encore récemment en atteignant les demi-finales à Nantes (W60) et Indore (W50), ainsi que la finale à Pétange (W40), battue par la française Océane Dodin. Mais, ces résultats entraînent forcément une question cruciale : Eala devra-t-elle se contenter de petits tournois à 50000 dollars de dotation jusqu'à la fin de sa carrière ? C'est la trajectoire hasardeuse et pour le moins inquiétante qu'elle pourrait bien suivre si elle ne travaille pas suffisamment sur deux aspects. D'abord, son rapport aux médias et au monde qui l'entoure. Sous le feu des projecteurs depuis son succès historique à l'US Open Juniors, la jeune femme a vu les sponsors se précipiter sur elle pour en faire leur nouvelle poule aux œufs d'or. Invitée dans les soirées mondaines, Eala a sans doute négligé une carrière sportive prometteuse, c'est là sans doute l'une des ses grandes erreurs. Ensuite, il y a l'aspect purement sportif des choses. En regardant son match contre Magda Linette à Abu Dhabi, j'ai été pris d'un ennui mortel en essayant de décrypter son style de jeu car, le problème en réalité est qu'Alexandra Eala n'a pas de style à proprement parler. J'ai vu une joueuse qui frappait fort dans la balle des deux côtés, extrêmement friable au service, incapable d'adopter un plan de rechange et se contentant souvent de renvoyer la balle en attendant que l'adversaire commette la faute. Il ne faut donc pas chercher plus loin la cause de l'accumulation de ces défaites cinglantes. Eala ne gagne pas tout simplement parce qu'elle ne propose rien quand elle est sur le court, à l'exception des tournois ITF où elle arrive parfois à trouver des solutions pour enchaîner les victoires. Son niveau très faible en WTA s'apparenterait donc à une absence totale de stratégie conjuguée à une technique d'une pauvreté absolue sur un circuit où chaque effort peut se payer très cher.

Il ne reste à Alexandra Eala que deux scénarios possibles, désormais. Soit elle n'est pas encore prête pour le haut niveau et elle devra dans ce cas faire preuve de patience en modifiant son jeu en profondeur si elle veut espérer progresser ; soit elle est dans l'incapacité pure et simple de fournir les dits efforts et elle restera jusqu'à la fin de sa carrière une joueuse de circuit ITF qui n'atteindra jamais le top 100. Souhaitons pour elle que le premier scénario lui soit un jour favorable.

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