Ce que l'on retiendra de l'Open d'Australie


D'un niveau historiquement faible, l'édition 2024 de l'Open d'Australie féminin, sauvée du naufrage par une impressionnante Aryna Sabalenka qui mérite largement sa victoire,  a connu d'incessants soubresauts durant une quinzaine chaotique flirtant avec l'ennui. De cette drôle de tambouille, on retiendra tout de même quelques éléments notables au goût d'inachevé.

Un niveau général très pauvre qui pose question.

Le tournoi a connu cette année une véritable hécatombe de têtes de série, notamment lors des premiers jours, ce qui a permis à des joueuses peu citées de se frayer un chemin jusqu'en deuxième semaine. On ne s'attendait pas à voir Iga Swiatek, Elena Rybakina, Jelena Ostapenko, Jessica Pegula, Maria Sakkari, Ons Jabeur, Daria Kasatkina et Elise Mertens se faire éjecter aussi tôt du tableau. C'est pourtant ce qui s'est produit et la grande question est maintenant de savoir pourquoi. Problème de préparation ? Temps de récupération trop court durant l'intersaison ? Gestion mentale de l'événement ? Ou alors, est-on tout simplement en train d'entrer dans une ère où les joueuses situées hors du top 30 sont de plus en plus performantes tandis que celles qui sont au-dessus sont en stagnation ? Cette tendance va-t-elle se confirmer lors des prochains tournois du Grand Chelem ? Plus bousculée que jamais, la hiérarchie du tennis féminin, dont nous vantions tant la stabilité encore récemment, ne semble déjà plus qu'un lointain souvenir. Peut-on dire aujourd'hui que la WTA est devenue faible ? Si c'est le cas, quelles solutions proposer ? Nous aurons l'occasion d'aborder bientôt ce sujet délicat dans un prochain éditorial.

Une programmation hasardeuse sur les courts principaux.

Iga Swiatek a-t-elle discuté avec les organisateurs pour échapper aux sessions nocturnes ? Nous n'aurons sans doute jamais la réponse à cette question d'autant plus légitime que plusieurs anomalies dans la programmation des matches étaient flagrantes. Par exemple, faire jouer la rencontre entre Iga Swiatek et Sofia Kenin en début de session de journée alors que le match entre Jessica Pegula et Rebecca Marino, programmé en session de nuit, n'avait pas grand chose d'attractif ; programmer Maria Sakkari contre Elina Avanesyan également en session nocturne alors que le match opposant Leylah Fernandez à Alycia Parks paraissait plus intéressant ; de nouveau placer Iga Swiatek en ouverture à la mi-journée contre Danielle Collins alors que ce match aurait pu pimenter la "night session" ; idem pour le match entre Paula Badosa et Amanda Anisimova, prévu le matin alors que l'affiche était pourtant alléchante et aurait constitué une session de nuit parfaite, plutôt que le duel entre Beatriz Haddad Maia et Maria Timofeeva (sans faire offense à personne, bien sûr). Bref, les choix avaient de quoi interloquer. À voir à l'avenir si ce type de programmation illogique va se répéter ou pas. 

Les australiennes dans le dur.

On s'attendait à ce que les locales aient des difficultés à percer dans le tournoi. Cela s'est rapidement vérifié puisque c'est Storm Hunter, 180e mondiale, qui est allée le plus loin en atteignant le... troisième tour. Certes, elle sortait des qualifications puis, battait Sara Errani et Laura Siegemund avant de tomber avec les honneurs contre Barbora Krejcikova mais, tout de même, les australiennes, globalement, n'ont pas montré grand chose. Après avoir subi une hécatombe au premier tour, elles n'étaient déjà plus que deux au second, Hunter étant accompagnée d'Ajla Tomljanovic qui a cédé contre Jelena Ostapenko en encaissant un 6-0 dans le premier set. Déjà éprouvées lors des qualifications qui furent fatales à plusieurs d'entre elles, les australiennes ont vite sombré dans l'anonymat, preuve que la route est encore longue pour que la succession d'Ashleigh Barty puisse un jour déboucher sur du concret. Pour le moment, la période des vaches maigres continue. 

L'Ukraine revigorée.

Trois joueuses ukrainiennes ont atteint les huitièmes de finales. Cela faisait un moment qu'on n'avait pas vu ça en Grand Chelem. Elles furent même deux, Marta Kostyuk et Dayana Yastremska (photo ci-dessus), qu'on n'attendait pas à tel niveau, à rallier les quarts de finales. Yastremska a même prolongé le plaisir en atteignant le dernier carré avec beaucoup d'aplomb. Enfin, n'oublions surtout pas d'ajouter Daria Snigur et Yuliia Starodubtseva, toutes deux issues des qualifications. Des résultats plus que louables pour un pays toujours en proie à une guerre dévastatrice même si Elina Svitolina ne fut pas heureuse en étant obligée d'abandonner sur blessure. L'embellie sera-t-elle éphémère ou, au contraire, durable ? Les gros tournois qui vont arriver au printemps nous apporteront sans doute des éléments de réponse. 

La Chine est de retour.

Qinwen Zheng pouvait devenir la première chinoise à gagner l'Open d'Australie depuis Li Na en 2014. Si Aryna Sabalenka en a décidé autrement, la finaliste malheureuse a tout de même remis son pays sur le devant de la scène. Avec Lin Zhu, Xinyu Wang, Xiyu Wang, Yue Yuan, Yafan Wang (de retour de blessure) et Zhuoxuan Bai, l'empire du Milieu est, avec Qinwen Zheng bien entendu, en train de bâtir quelque chose qui s'appuie sur de solides fondations. Grâce à son parcours à Melbourne, et aussi grâce à son charisme et sa popularité grandissante, Zheng est en train de devenir le fer de lance d'un pays qui semble enfin retrouver des ambitions. 

La chute d'Iga Swiatek.

Incapable de battre au troisième tour la tchèque Linda Noskova, la polonaise a enregistré une défaite embarrassante qui, au mieux, pourrait lui servir d'électrochoc afin de se remettre dans le bon sens, au pire, être le signe précurseur d'une chute débouchant sur une saison vierge en titre majeur. Oui, Iga Swiatek pourrait bien ne gagner aucun tournoi du Grand Chelem cette année si elle n'évolue pas sur le plan technique et tactique. Cela apparaît d'autant plus possible après le niveau très inquiétant qu'elle a montré à Melbourne. Rarement la native de Varsovie n'a semblé aussi vulnérable. Ses principales adversaires vont se régaler si elle ne réagit pas. 

Caroline Garcia dans l'impasse.

On ne s'attendait pas à un miracle de la part de la française, à tel point que l'on se demandait si elle allait réussir à passer la première semaine ou pas. Nous étions finalement bien présomptueux puisqu'après un premier tour où elle a montré de l'autorité et de la rigueur contre Naomi Osaka, elle s'est de nouveau écroulée sur elle-même en se faisant éliminer piteusement deux sets à zéro par l'étonnante polonaise Magdalena Frech au tour suivant. Les larmes en conférence de presse ont montré que le mal était très profond, peut-être même encore plus profond que ce à quoi on s'attendait. Serait-ce le moment de tout plaquer pour Garcia ? Pas définitivement, bien sûr. Un congé sabbatique, un retrait momentané de la vie tennistique ne serait-il pas la meilleure solution pour que la française revienne un jour revigorée et guérie de ses maux ? Elle seule a la solution à ses problèmes.

Rybakina contre Blinkova, l'éclair dans la nuit.

Nous n'avons pas eu beaucoup d'occasions de nous extasier durant ce tournoi, c'est le moins qu'on puisse dire. Du coup, s'il y avait un match à retenir, ce serait sans aucun doute celui qui a opposé Elena Rybakina à Anna Blinkova au deuxième tour. Le terme épique n'est ici pas usurpé tant les rebondissements furent nombreux dans ce duel de folie, jusqu'à ce super tiebreak d'anthologie conclu 22-20 pour la russe qui a hélas payé ses efforts au tour suivant en se faisant sortir par Jasmine Paolini. Dans l'intensité, la dramaturgie et l'héroïsme, ce match avait toutes les qualités et restera comme le point culminant d'une quinzaine décevante et bien trop sage. 

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